Victor Ségalen
Médecin de marine, ethnographe et archéologue, Victor Segalen poursuivit, de la Bretagne, à l'Océanie et à la Chine, un voyage passionné par la découverte des voix
étrangères à la culture européenne. Après des études de médecine à Bordeaux, l’officier-médecin est affecté en Polynésie. Il séjourne à Tahiti, en 1903 et 1904, et consulte, à l’occasion d'une escale
aux Marquises, les derniers croquis et carnets de Gauguin, décédé trois mois avant son passage.
Il rapporte de Polynésie un roman, les Immémoriaux (1907), un journal et des essais sur Gauguin et sur Rimbaud qui seront publiés longtemps après sa mort (Journal des îles, 1978). Pour son premier
séjour en Chine, Victor Segalen soigne les victimes de l’épidémie de la peste de Mandchourie (1908), puis il souhaite s'y installer avec sa femme et son fils (1910).
La première édition de Stèles voit le jour à Pékin en 1912. Il entreprend (en 1914) une mission archéologique consacrée aux monuments funéraires de la dynastie des Han. Il en résultera une étude
capitale sur la sculpture chinoise: "la Grande Statuaire chinoise" il faudra attendre 1972 pour que celle-ci soit publiée.
Il décède, à quarante et un ans, le 21 mai 1919, dans la forêt du Huelgoat, Hamlet à la main. Il était né à Brest, rue Massillon, le 14 janvier 1878. Le collège de Châteaugiron a été le premier
établissement au monde à porter son nom. Il a été suivi par l'Université de Bretagne Ouest et le lycée français de Hong-Kong.
Quelques extraits de son oeuvre :
ELOGE DU
JADE : "Si le Sage, faisant peu de cas de l’albâtre, vénère le pur Jade onctueux, ce n’est point que l’albâtre soit commun et l’autre rare : Sachez plutôt que le Jade est bon, Parce qu’il
est doux au toucher - mais inflexible. Qu’il est prudent : ses veines sont fines, compactes et solides. Qu’il est juste puisqu’il a des angles et ne blesse pas. Qu’il est plein d’urbanité quand,
pendu de la ceinture, il se penche et touche terre. Qu’il est musical : sa voix s’élève, prolongée jusqu’à la chute brève. Comme la vertu, dans le Sage, n’a besoin d’aucune parure, le Jade seul peut
décemment se présenter seul. Son éloge est donc l’éloge même de la vertu."
DEPART: Ici, l’Empire au centre du monde. La terre ouverte au labeur des vivants. Le continent milieu des Quatre-mers. La vie enclose, propice au juste, au bonheur, à la conformité.
Là, l’Occident miraculeux, plein de montagnes au-dessus des nuages ; avec ses palais volants, ses temples légers, ses tours que le vent promène. Tout est prodige et tout inattendu : le confus s’agite
: la Reine aux désirs changeants tient sa cour. Nul être de raison jamais ne s’y aventure. Avant que de quitter l’Empire pour rejoindre son âme, il en a fixé, d’Ici, le départ.
STELE DES PLEURS : "Si tu es homme, ne lis pas plus loin : la douleur que je porte est si vaste et grave que ton coeur en étoufferait. Si tu es Chenn, détourne-toi plus vite encore :
l’horreur que je signale te rendrait lourd comme ma pierre. Si tu es femme, hardiment lis-moi pour éclater de rire, et oublie à jamais de t’arrêter de rire..."